Lignes naturelles dans l'esthétique coréenne 1

« Ce qui m’a marquée en premier, c’est le relief de la topographie que l’on voit partout », dit une amie américaine au retour de son premier voyage en Corée. Tous ceux qui ont visité ce pays diront que les crêtes occupent une grande partie des paysages.

Le territoire sud-coréen est composé à 64% de montagnes, les plaines occupent moins d’un cinquième de la superficie. Cette topologie singulière a joué un rôle important dans le développement territorial et dans le mode de vie, une grande partie intégrale de la beauté traditionnelle et de l'esthétique coréenne.

Quand on observe d’anciennes maisons en Corée, à toit de chaume, on aperçoit que la forme du toit ressemble à celle des montagnes de l’arrière-plan. Fabriqué avec des cordes de paille, ce type de toit était très répandu autrefois en Corée en raison de sa forme linéaire et l’isolation thermique qu’il procurait. Le paysage des villages coréens abritant ces maisons se caractérisait ainsi par la douceur des courbes de ses habitations associées à celles de la nature. 

Gyeomjae JEONG Seon 겸재 정선 Gyeomjae JEONG Seon,Mont Seon-yoo, peinture sur soie, 1742. Le mont Seon-yoo situé près du pont de Yanghwa qui traversé aujourd’hui par le fleuve Han à Séoul.

  toit en paille coree hanokLa paille du toit est un matériau facile à trouver au quotidien de nos ancêtres qui étaient majoritairement agriculteurs. Le paysage des villages coréens abritant des maisons en paille incarne la beauté de la courbe.

En Asie de l’Est, la toiture en tuiles était un élément majeur du concept architectural de la maison en bois, nécessitant un long travail. Sur les immeubles en bois chinois, coréens et japonais, le toit est particulièrement grand par rapport à la superficie de la construction et son auvent est souvent linéaire. Le toit des maisons chinoises se caractérise par la courbe nettement marquante de son auvent, tandis que celui les maisons japonaises est plus ou moins droites. La courbe de l’auvent des maisons traditionnelles coréennes est plutôt une chaînette.

La chaînette est une courbe plane transcendante, qui correspond à la forme que prend un câble lorsqu’il est suspendu par ses extrémités et soumis à une force gravitationnelle uniforme de son propre poids. La chaînette de l’auvent est l’un des charmes distinctifs de l’hanok. L’architecture du toit des immeubles traditionnels coréens est ancrée dans la courbe qui varie en fonction de l’environnement naturel. Cela repose sur la philosophie de « tempérance », autrement dit, la sagesse de mettre l’accent sur l’harmonie avec la nature. Quand on observe l’avant-toit de l’hanok de face, on constate que les deux extrémités sont nettement plus incurvées que le milieu. Dans l’architecture traditionnelle, on appelle cette incurvation angok. Quant à l’incurvation vue au-dessus, elle s’appelle anhurigok. Ainsi, l’alliance de l’angok et l’anhurigok engendre une forme tridimensionnelle.

Ce type d’incurvation permet une évacuation rapide des eaux de pluie. La forme du toit de la maison traditionnelle coréenne est comparable à une cycloïde. Bien que la longueur réelle du toit soit plus importante que dans le cas d’une construction classique droite, la pente du toit optimale permet aux eaux de pluie de ruisseler aisément sans abîmer la construction. De plus, l’avant-toit idéalement incurvé permet aux rayons du soleil de pénétrer à l’intérieur de la maison en hiver, et est assez long pour la protéger du soleil l’été.

Le pavillon bouddhiste Muryangsujeon est un excellent exemple de l’esthétique des courbes caractérisant l’architecture traditionnelle. Situé au sein du Temple Buseok, construit en 676, au croisement de plusieurs chaînes de montagnes à Youngju.

temple Buseok coree

Le temple Buseok, patrimoine mondial de l'UNESCO, trésor national coréen n ° 5, y compris le plus ancien bâtiment en bois Muryangsujeon, et il possède 6 trésors nationaux, également des inspections architecturales représentatives et en tant que patrimoine culturel.

Ce temple est d’ailleurs connu pour l’impossibilité de le voir dans son intégralité, quel que soit l’endroit ou l’angle. Au premier regard, le site semble sans beauté ou authenticité particulière. Mais son architecture est considérée aujourd’hui comme une des plus remarquables, reposant sur une harmonie parfaite. La partie supérieure des poutres est légèrement penchée vers l’intérieur, et leur hauteur augmente vers les deux extrémités. C’est un système largement étudié et appliqué intentionnellement afin de développer harmonieusement des courbes sur l’ouvrage. La linéarité des poutres, et en particulier celle de l’avant-toit contribue à la stabilité architecturale mais aussi visuelle.

Temple Buseok toit

L’avant-toit de Muryangsujeon au Temple Buseok à Youngju

Ainsi, les courbes créées sur différents composants des immeubles traditionnels sont en grande partie le résultat des études de l’environnement et d’une longue réflexion sur l’harmonie avec la nature.

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